Lui pour elle

Mahdia devant la mort de Raquel

MAHDIA. Je hurle et ma voix se déchire en lambeaux de silence. Mille morsures aux dents enragées lacèrent mon corps. Les grognements envahissent mon sang, se nourrissent de ma chair. Des méphitismes pénètrent mes narines, calcinent mon oxygène. Un trou au ventre aspire ma peur, ma peine, ma détresse. Un rire aux tonalités acides flagelle mes organes, un rire de Kyars, qui, devant la souffrance et l’affliction, jouissent ; et leur sperme de plaisir virulent se propage dans les profondeurs humaines, en souille les rivières sauvages, les champs immaculés. Une souffrance indicible déchiquette mes entrailles…

Maki qui arrive sur les lieux

MAKI. Une fleur flétrie, se replie, se referme. Tendre la main, poser un tuteur, soutenir. De l’eau. Qu’elle boive, qu’elle s’hydrate, qu’elle se redresse. Je cours vers l’humaine au cœur de bougainvillier, et mes pas sont trop bruyants, trop lents, trop... Si elle s’évanouissait dans la terre, qu’elle disparaissait... Ne pas blesser, ne pas brusquer, ne pas... Mes mains, d’elles-mêmes, se posent sur ses épaules. Et ma voix s’écoule de ma bouche : « Je suis là... » Elle me fixe. Ses yeux : deux océans asséchés, vidés de tout. Entre ses doigts, un os, un fémur, duquel pend de la chair sanguinolente. Ses lèvres remuent. Un souffle. « Raquel. » Avec chaleur, je l’étreins longuement dans mes bras. Qu’elle boive, qu’elle s’hydrate, qu’elle se redresse...